jeudi 1 avril 2010

Héros : hic ! Ou comme dans un fauteuil ! ( suite et fin )

Auparavant, en 1845, CANROBERT avait participé à la " pacification " du massif du DAHRA (le long de la côte entre ALGER et ORAN ) et le raconte ainsi, sous la plume de Germain BAPST ( prix Thérouanne d' histoire décerné par l' ACADEMIE FRANCAISE ) qui a recueilli ses souvenirs dans " Le Maréchal Canrobert/ Souvenirs d' un siècle ", Plon et Nourrit, 1899, Tome 1 " :

- page 418 et suiv. : " J' étais avec mon bataillon dans une colonne commandée par CAVAIGNAC (futur chef de gouvernement français). Les Sbeahs venaient d' assassiner des colons et les caïds nommés par les Français. Nous allions les châtier. ... Nous les enserrons bientôt, et ... les forçons à se retirer dans la grotte. ... le capitaine de J. ... s' avance seul devant l' entrée. Il espère avoir l' autorité morale suffisante pour obtenir leur soumission, ... ,ceux- font une décharge, et il tombe raide mort, ... . Il fallait donc prendre d' autres moyens. On pétarda l' entrée de la grotte et on y accumula des fagots de brousailles. Le soir, le feu fut allumé. Le lendemain, quelques Sbéahs se présentaient à l' entrée de la grotte, demandant l' aman ... . Leurs compagnons, les femmes et les enfants étaient morts. ... Telle fut la première affaire des grottes. On n' en parla guère parce que le colonel CAVAIGNAC, ... , ne s' était pas étendu sur le nombre des Arabes morts de l' enfumade. Mais l' année suivante, ce fut un vrai tollé à la Chambre des Pairs, dans certains journaux de France et surtout dans les feuilles anglaises.
" Pélissier (futur Maréchal de France) commandait une colonne et poursuivait les Ouled- Rias. C' était le 18 juin, ... (PELISSIER) choisit un emplacement pour établir le camp à proximité des grottes et fait aussitôt placer des gardes autour ... il appelle un des cavaliers arabes qui l' accompagnent, lui disant de sommer les Kabyles de sortir. ... l' aman leur sera donné aussitôt leur sortie effectuée. ... affirmant que les grottes seront enfumées s' il n' a pas satisfaction. ... PELISSIER attend encore jusqu' à la nuit; alors on allume les fagots. Le lendemain matin quelques spectres noircis par le feu, à moitié asphyxiés, se présentent à la principale entrée. ... ils ne sont plus en état de lutter. ... . Le feu a produit un effet terrible. Alors PELISSIER ordonne aux soldats du génie de pénétrer. Mais c' est impossible, tant la fumée répand une odeur âcre. Peu à peu, l' air nouveau s' infiltrant, les soldats peuvent entrer. Dans chaque coin, on voit des grappes de cadavres au visage noirci, aux membres contournés. Un certain nombre sont encore vivants; ... , mais beaucoup meurent avant même d' être secourus.
" Plus de cinq cents cadavres sont comptés dans les souterrains ... Dans l' affaire des grottes, PELISSIER n' eut qu' un tort : celui de faire trop de bruit autour. ... , il ne put résister à la tentation de se livrer à la littérature; il fit, dans son rapport, une description réaliste, beaucoup trop réaliste, des souffrances des Arabes, s' étendant complaisamment sur le nombre des morts, sur les contorsions les plus hideuses des corps calcinés, sur les tortures que ces malheureux enfants, femmes et vieillards avaient dû endurer. ... .Si le Maréchal BUGEAUD avait été à Alger, il eût arrêté le rapport de PELISSIER; mais il était en expédition et le malencontreux papier partit pour Paris. "

Le (futur) Maréchal de SAINT- ARNAUD, qui était un " homme de lettres " ( il en a ècrit des centaines à sa famille qui les ensuite publiées, après " censure " dit- on ", chez Michel Levy Frères en 1855 ), s' est retrouvé dans la même " situation " que CAVAIGNAC et PELISSIER et écrit précisément à son frère :

- le 19 juillet 1845: " Quelle que soit la cause, il faut que je détruise les SBEAHS et que j' aille faire le siège de leurs grottes comme PELISSIER. " et le 15 août suivant : " Le 9, commencement des travaux de siège, blocus, mines, pétards, sommations, instances, prières de sortir et de se rendre. Réponse : injures, blasphèmes, coups de fusil ... feu allumé. Alors je fais boucher toutes les issues et je fais un vaste cimetière. La terre couvrira à jamais les cadavres de ces fanatiques. Personne n' est descendu dans les cavernes; personne ... que moi ne sait qu' il y a là- dessous cinq cents brigands qui n' égorgeront plus les Français. ... ma conscience ne me reproche rien. "

L' ouvrage précité de Germain BAPST poursuit : " Moi- même, ajoutait le Maréchal CANROBERT, je fus amené à pareille extrémité, dans une expédition au nord du Dahra soulevé. Me trouvant devant des grottes occupées par des Arabes qui me reçoivent à coup de fusil, je les somme de se rendre. Ils refusent. Les laisser, c' est leur permettre de tuer mes soldats durant la marche à poursuivre. Les bloquer, c' est impossible; la chaleur est étouffante, il n' y a point d' eau, les hommes n' ont plus de vivres. Je réitère les sommations. ... . Comme il n y a pas de bois, je bouche l' entrée de la caverne avec des pierres. Si j' avais fait autrement, un grand nombre de mes soldats seraient tombés sous les balles arabes. ... je me suis attaché au soldat, je l' ai aimé comme un enfant, j' ai toujours fait mon possible pour atténuer ses peines. "

On reconnaîtra que la méthode CANROBERT, bien que celui- ci n' en ait pas précisé le " rendement ", est bien supérieure, comme plus écologique ( pas de destruction de végétaux, pas rejet de CO2 ), à celle de ses trois collègues. Celle- ci, d'ailleurs, fait un peu chambre à gaz, même si le bricolage artisanal à la française du 19ème siècle n' a ni l' envergure, ni la finalité, de l' organisation industrielle allemande du 20ème. La rescapée d' AUSCHWITZ pourra en débattre avec sa collègue de l' ACADEMIE, Assia DJEBAR ( fauteuil 5 ), née à Cherchell, à deux pas du Dahra, et qui a écrit dans son discours de réception à l' ACADEMIE le 22 juin 2006 que " le colonialisme, vécu au jour le jour par nos ancêtres, sur quatre générations au moins, a été une immense plaie. "

Alors, Madame, héros ?


( 1 ) Ce pauvre SAINT- ARNAUD, qui aurait pu entrer sous la Coupole le 2 décembre 1851 ... avec ses troupes du coup d' état, n' a pas été visé que par des SBEAHS, mais aussi par un sniper académique, dénommé Victor HUGO ( fauteuil 14, celui du Secrétaire perpétuel, Hélène CARRERE D' ENCAUSSE ), qui a osé écrire sur lui ( " Les châtiments ", édition de 1870 ) :

" Cet homme avait donné naguère un coup de main
" Au recul de la France et de l' esprit humain;
" Ce général avait les états de service
" D' un chacal, et le crime aimait en lui le vice. "

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire